Les Ailes N° 719 du 28 Mars 1935

Les Ailes N° 719 du 28 Mars 1935

 

Quatre mois après la sortie du bouquin de Mignet, les premiers "Pou" construits par des amateurs essaies leurs ailes. Ci-dessous le "Pou" de A. Cartenet et G. Mourlan qui, à Casablanca, au milieu du mois totalisent 1 h. 10 de vol et dix atterrissages.

LE "POU DU CIEL" PREND SON ESSOR

    Le "Pou du Ciel" construit à Casablanca par G. Mourian et A. Castenet, équipé d'un moteur Poinsard, a réalisé des essais intéressants. Sa vitesse est de l'ordre de 140 km.-h.

   A l'heure actuelle, une douzaine d'appareils, type Pou du Ciel, ont _ à notre connaissance _  commencé  leurs essais. Montés, pour la plupart, par des amateurs qui n'ont jamais piloté, les vols se résument, pour l'instant, à des lignes droites. Les amateurs sont prudents et ils ont raison.

   Néanmoins, on enregistre déjà quatre appareils _ au moins _ qui volent fort correctement : celui de Mignet, naturellement ; celui de Robineau, qui totalise une douzaine d'heures; celui de Passani, à Moisselles; celui de G. Mourlan et A. Castenet à Casablanca.

   Ces derniers ont remarquablement construit un Pou du Ciel qu'ils ont équipé d'un moteur Poinsard 25 CV, suivant le livre de Mignet, mais en dotant l'appareil d'un atterrisseur d'avion fort bien réalisé.

   Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire une lettre des constructeurs dans laquelle ils exposent le résultat de leurs essais :

    " Le 14 mars, nous procédons au montage et faisons un réglage très précis. Dans cette même journée, nous "tâtions" l'appareil au sol. (Quelle émotion, Mon Dieu !) Nous  n'étions  pas sans remarquer le désir évident d'un pilote de nos amis qui brûlait d'envie d'essayer la machine et qui en avait suivi, avec un réel intérêt, la construction. Nous décidons de lui faire tâter l'appareil au sol en lui recommandant de ne pas mettre tous les gaz pour débuter. Quel ne fut pas notre étonnement de le voir décoller au régime réduit et en cabré prononcé !

   Notre angoisse s'est accrue lorsque nous l'avons vu continuer son vol dans ces conditions avec des balancements latéraux très accentués. Nous nous demandions comment l'aventure allait se terminer, lorsque nous l'avons vu vire correctement, malgré ces mauvaises conditions de vol, et se poser devant nous, vent de trois quart arrière. Le contact avec le sol s'est fait normalement.

   Notre train d'atterrissage a été, du coup, éprouvé. L'appareil a dérapé au sol latéralement de deux mètres environ, sans qu'il ait eu tendance à s'embarquer sur une aile, cela grâce à sa large voie et à ses amortisseurs.

   Quand le pilote fut revenu de son émotion, nous avons discuté du balancement anormal de l'appareil. Nous en avons décelé la cause immédiatement, le pilote croyait manoeuvrer des ailerons et imprimait à l'appareil des amorces de virages. Il nous a affirmé que l'appareil avait atterri tout seul, ce qui l'inciter à recommencer un autre essai dans de meilleures conditions de vol, c'est à dire avec plein moteur et en suivant exactement les données de pilotage d'Henri Mignet.

   Ce deuxième essai fut, en effet, une révélation. L'appareil s'enleva à plat en quelques mètres, donnant une impression de vitesse considérable. Les virages et les atterrissages furent impeccables, à la grande joie du pilote et de nous-mêmes.

   L'adaptation du moteur Poinsard et de son capotage a été à la base de notre réussite.

   A ce jour (20 mars), nous totalisons 1 h. 10 de vol et une dizaine d'atterrissages. La vitesse maximum, à 2.250 tours, est évaluée aux environs de 140 km.-h. Notre Rêve-Bleu s'est d'ailleurs permis le luxe de semer un avion de 100 CV qui se trouvait sur le même cap, au grand ébahissement de ces Messieurs de l'autre bord. Cet "exploit" a suffi à convaincre les plus sceptiques... "

 

Le Mickey-Major de l'Aéro-Club de Paris, piloté par Jamas

 

UN "POU" DANS UNE CARRIERE

La pittoresque aventure d'un constructeur-amateur qui connaissait insuffisamment le terrain sur lequel il essayait ses ailes.

 L'essai dun "Pou du Ciel", à condition d'être mené prudemment, sagement, suivant les conseils prodigués dans son livre par Henri Mignet, n'est pas dangereux. Il est cependant, parfois, très sportif, comme en témoigne l'exposé ci-dessous, fait par un amateur de Puy-Guillaume (Puy-de-Dôme)n M. J. Jaltel.

        "... J'ai fait de nouveaux essais. J'ai décollé très franchement mais, n'étant pas encore assez "éduqué". Je suis, comme toujours, parti en chandelle à trois mètres pour redescendre ensuite, très lentement il est vrai. Un boum !... Un deuxième, plus faible, et je suis alors resté en l'air, entre trois et quatre mètres, sur toute la longueur du terrain.

   Je coupe alors les gaz lentement mais pas encore assez puisque je remonte. Enfin je me pose très doucement et je cours sur mon élan. Malheur ! voulant profiter de toute la longueur du terrain, je me suis posé près des balises, nez à nez avec une ancienne carrière que je n'avais pas repérée. Assis à 20 cm. du sol, mon plan de vue n'est pas bien plongeant. Impression désagréable quand, à 30 km.-heure, je me suis retrouvé en face d'un trou de 2 mètres de profondeur. J'ai tenté un ultime virage risque-tout et... je me suis retrouvé en pylône dans le fond de la carrière avec cinquante centimètres d'eau. Désespoir !

   Le peuple accourt; on sort le "Pou" et je constate que, seuls, les haubans sont détendus. Un tour de tendeurs remet tout en ordre. Evidemment, j'ai passé ma journée à vider l'eau des cylindres et du volant et, après pas mal d'efforts, j'ai pu refaire tourner mon Aubier-Dunne normalement.

   La scène était belle : un aviateur en caleçon, pieds nus dans des sabots, son pantalon, ses chaussettes séchant, étendus sur les barrières de clôture. Curiosité des nouveaux arrivants demandant ce qui s'est passé, prodiguant mille conseils empressés pour remettre le moteur en état.

   Enfin l'honneur du "Pou" est sauf. Et très certainement, dans quelques années, je me souviendrai encore avec attendrissement de cette journée. Voilà la vie ! J'attend avec impatience dimanche, pour recommencer. Trois fois par jour, je me surprends à tapoter le baromètre. La contagion quoi !"

   L'aventure de M. Jeltel, si pittoresquement contée, provoque un enseignement : bien connaître un terrain sur lequel on va se lancer.

 

La construction d'un "Pou" de C. Baboulène, notre délégué à Cahors

 

QUATRE "POU" ON VOLE, DIMANCHE, A DOUAI

Belle réunion au cours de laquelle Henri Mignet a décollé les appareils que leurs constructeurs ont ensuite pris en main.

   Samedi 23 mars, grande animation, sur le vieux terrain de Douai, à La Brayelle.

   D'abord, il n'y avait pas un avion. Puis on vit arriver par la route, venant de Lille, ou venant de Cambrai, quatre Pou du Ciel, des fils de Mignet, construits selon la lettre du Livre, du fameux Livre que tout le monde connaît aujourd'hui.

   Mignet était là. Quatre Pou, cela valait bien un dérangement du créateur. Il était là pour examiner les appareils entièrement construits par MM. Bleuton, de Cambrai, d'Hallenyn, de Tourcoing, Ducatillon, de Lille, et Ponthieux, de Tourcoing. Tandis que les constructeurs mettaient la dernière main aux accessoires, Mignet parachevait les centrages, les incidences, donnait les ultimes conseils .

   Il dut y avoir des séances de ce genre aux premiers temps de l'Aviation. Mignet fut satisfait de cette jeune progéniture. Sa joie eût été sans limite si un vilain vent d'Ouest n'eût soufflé en tempête. Qu'allait être le lendemain ? Qu'allaient faire les Pou devant deux milles personnes ?

   Le dimanche, il y eut un déjeuner au restaurant parmi des reliques aériennes (hélices des précurseurs Blériot, Louis Bréguet, Louis Paulhan, etc.), sous la présidence de Jacques Bréguet, président de l'Aéro-Club de Douai. Puis on se rendit au terrain.

   Le vent s'était un peu calmé. Mignet essaya successivement les quatre Pou, faisant des lignes droites de 500 m. à une dizaine de mètres de hauteur. Les appareils, parfaitement réglés, répondaient, tous de la même façon aux commandes. Si les cellules eussent permis tous genre de vol, en revanche, les moteurs trop neufs, avaient besoin de rodage. C'est pourquoi, ce jour-là, il n'y eut pas de virages. Les amateurs-constructeurs essayèrent, après Mignet, leurs appareils et firent de nombreuses lignes droites.

   Au cours d'un vin d'honneur sur le terrain, Jacques Bréguet présenta au public, sympathique et enthousiaste, les aviateurs Decroo et Vandroy, qui venaient de faire un voyage de 24.000 km. autour de la Méditerranée ; puis il fit l'éloge de Mignet, "l'apôtre".

   Cette manifestation avait été organisée par M. Defives, qui dirige, dans le Nord, une section du R.A.A. comptant vingt-cinq Pou du Ciel en construction et près de deux cents membres.

   Les amateurs douaisiens du Pou du ciel se sont révélés si nombreux que l'Aéro-Club de Douai a décidé la création d'une section d'amateurs. M. Raoult, directeur de l'Ecole des Métiers, en assurera la présidence.

 

Un vol de Mignet avec l'aile de 5 m.

 

LE "POU DU CIEL" DU S.T.Aé.

   L'invraisemblable peut parfois être vrai. Le Service Technique de l'Aéronautique se défend d'être hostile au "Pou du Ciel". Et il vient d'en donner la preuve en commandant à Henri Mignet un appareil à moteur Aubier-Dunne, exactement semblable à celui du fameux bouquin.

   Le "Pou du Ciel" destiné au S.T.Aé. est actuellement en cours de fabrication. Henri Mignet pense qu'il pourra le livrer d'ici un mois.

   Le meilleur moyen de savoir ce que vaut une formule est évidemment de l'essayer. Si cet essai a lieu sans qu'on veuille demander à l'avion de l'amateur plus que ce qu'il peut donner et davantage que ce pourquoi il est fait, on félicitera de bon coeur le S.T.Aé. de sa décision.

 

Le ¨pou" des Gadz'Arts d'Angers

 

LE "POU DU CIEL" EN BELGIQUE

   Le "Pou du Ciel", créé en France, sera-t-il "officialisé" par nos amis belges avant de l'être chez nous ? C'est bien possible, si l'on s'en rapporte à notre confrère la revue L'Aviation Illustrée, qui a recueilli d'un ingénieur du Service Technique belge les déclarations suivantes :

      "Le "Pou du Ciel" entre dans la quatrième catégorie créée en Belgique pour les avions de moins  de 20 kg. au m². Je ne fais donc que suivre le règlement lorsqu'on me demande de suivre la construction du premier "Pou du Ciel" qui doit être considéré comme un prototype, en ce sens qu'il faut nous fournir des plans ; or le livre de Mignet nous suffit et je crois pouvoir vous dire que ceux-ci, bien exécutés par des amateurs consciencieux, peuvent aboutir à un bon résultat. En ce qui concerne le certificat de navigabilité, le premier qui nous sera présenté devra subir les épreuves en vol très probablement par un essayeur officiel, qui décidera si les qualités de vol permettent de le mettre entre les mains de novices. Quant au brevet, il faudra s'en rapporter aux conditions du brevet pour les planeurs à moteurs et que vous connaissez. Dites bien à vos lecteurs que, s'ils construisent un "Pou du Ciel", ils le fassent d'une manière très ouverte, qu'ils ne le cachent pas, qu'ils viennent nous le déclarer, nous ne demandons pas mieux que de les aider."

   L'ingénieur qui, en Belgique, a le "Pou du Ciel" dans ses attributions, est un pilote. C'est même le pilote qui, avec l'hélicoptère Florine, a tenu l'air 9 mn. 58 sec. Félicitons-le de comprendre si bien l'Aviation Nouvelle et son esprit.

   Par ailleurs, plus de vingt exemplaires du "Pou du Ciel" sont en cours de construction en Belgique où la firme Saroléa met au point, pour eux et pour d'autres petits avions, quatre types de moteurs.

 

Le remorquage, à 60 à l'heure, du "Pou" de Lienrotte

 

LA SUISSE SE MEFIE DU "POU"

   Un de nos lecteurs de Genève nous transmet un communiqué de la Direction de l'Aérodrome de cette ville, publié par la Gazette de Genève. Nous en extrayons les passages suivants :

        "La Direction de l'aérodrome de Genève se fait un devoir d'informer les personnes construisant ou ayant l'intention de construire de petits avions dit "Pou du Ciel" qu'il existe une réglementation très précise concernant l'admission d'un aéronef dans la navigation aérienne.

       A côté des ennuis que l'on s'attirerait en n'observant pas ces règlements, il y a un danger évident auquel nous tenons à rendre chacun attentif, à piloter sans la moindre notion sur le vol, une machine n'ayant pas été contrôlée par les services techniques compétents. Ce danger menace non seulement le pilote, mais aussi les personnes et les objets se trouvant à terre.

        Qu'on se garde donc absolument de se créer des difficultés en essayant de voler clandestinement ; on y risquerait inutilement sa vie en même temps qu'on commettrait un délit."

   Brrr !...

   Amateurs, méfiez-vous de l'aérodrome de Genève, et remercions tout de même son directeur de vous prévenir charitablement des malheurs qui vous attendent si vous vous posez dans son domaine.

   Le "Pou du Ciel", espérons-le, aura bientôt son permis de circuler en France et en Suisse, comme il va l'avoir en Belgique, et Genève, alors, sera tout heureuse de l'accueillir. Car, avant cinq ans, on n'ira plus en Suisse qu'avec son "Pou du Ciel".

 

 

BREVES

 

A L'ASSOCIATION PARISIENNE DES SPORTIFS DE L'AIR, les membres de ce groupement activent la construction des ailes et du fuselage du "Pou du Ciel" qui, vraisemblablement, seront assemblés d'ici trois semaines. Les premiers vols pourront avoir lieu dans le courant de mai. Auparavant, l'appareil sera exposé à Vanves pour la propagande.

LES AMATEURS D'AVIATION LEGERE de la région champenoise ont tenu une réunion de propagande en faveur de l'Aviation Nouvelle, dimanche dernier, à Reims.

A PERPIGNAN, le "Pou du Ciel" construit par MM. Jean Juanchic, Jean Juanamas, Louis Subiranas et Yves Le Sech est pratiquement terminé. Il va être acheminé sur le terrain de Llabanère où il établira ses pénates à partir du 14 avril.

A L'AERO-CLUB DE CAEN ET DU CALVADOS, plusieurs membres construisent des "Pou du Ciel". Deux sont déjà terminés.

A LA FOIRE AUTOMOBILE qui a lieu actuellement à Nice, l'Aéro-Club de la Riviera a exposé un "Pou du Ciel" et un planeur de performance.